jeudi 18 février 2010

Message de la pétition de Anne Busser

J’ai tardé à signer cette pétition car je ne suis pas vraiment d’accord avec certains termes. Cependant, devant le blocage de la situation, je m’y décide. Mais je voudrais dire que nous nous trouvons dans une situation absurde et triste : chacun, directeur compris, est animé de bonnes intentions.
Contrairement à ce qui est dit, OT n'a pas pour intention de couler la com. Il est persuadé que sa réforme n'aura pas les conséquences redoutables annoncées, et que la com s'en sortira très bien ; argument : dans d'autres écoles ça marche, donc ça peut marcher aussi à Strasbourg, vous avez seulement peur de changer vos habitudes de travail. Il en est persuadé, malheureusement sans avoir pris le temps d’observer et de comprendre la pédagogie spécifique pratiquée (avec succès) par les enseignants de l’option (dans les autres options, pour aller vite, la pédagogie est centrée sur le projet de l’étudiant, alors qu’en com c’est une pédagogie d’exercices, du moins durant les premières années).
Notre directeur est frappé par la maladie qui sévit actuellement, assez répandue dans les sphères dirigeantes de la société française, le management à l'anglo-saxonne, mais mal digéré, à savoir : décider à priori, sur des bases théoriques et idéologiques, sans écouter ceux qui sont sur le terrain, après avoir fait semblant de consulter pour faire avaler la sauce, et considérer les hommes comme des objets, soumis à la logique des chiffres et des statistiques. Le terme ressources humaines a d’ailleurs depuis un certain temps remplacé celui de personnel, c'est assez révélateur de cet état d'esprit.

Par ailleurs je pense que pour comprendre la logique du directeur, il faut resituer ses projets dans le contexte de la réforme des enseignements supérieurs et de ses cascades de conséquences. L’école doit devenir un EPCC à moyens constants, il veut donc réduire la voilure et raccourcir la durée des études pour le plus grand nombre. C’est ce qu’il appelle la professionalisation du DNAP, et pour cela il a besoin de renforcer les équipes enseignantes qui s’occuperont de ces étudiants. Comme il y aura moins d’étudiants autorisés à continuer jusqu’au DNSEP, ceux-ci auront besoin de moins d’enseignants. Imparable. Sauf que les étudiants ont déjà passé un concours d’entrée extrêmement sélectif, et que la perspective d’une deuxième sélection va induire un état d’esprit déplorable.
À mon avis, c’est sur la réforme des enseignements supérieurs qu’il faudrait se mobiliser d’urgence. Cette réforme appliquée aux écoles d’art risque de fragiliser, et à terme de conduire à la disparition de la plupart des écoles d’art en France. En effet, il va falloir, après la prise d’autonomie des écoles constituées en EPCC, trouver des financements et se soumettre tous les quatre ans à l’évaluation de l’AERES, « machin » composé d’ « experts » qui aura tout pouvoir pour décider ou non d’accorder, pour chaque DNSEP, la reconnaissance au grade de master. Cette réforme va contraindre les écoles à s’aligner sur les critères universitaires, et donc à terme leur existence ne se justifiera plus.

Anne Busser
professeur à l'ESADS